Mercredi 26 septembre - Histoire - l'historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale

Travail de composition à rendre rédigé sous format électronique (.doc ou .ppt)

Le développement de la composition est à rédiger en groupe, à raison d'une par groupe. 

Les introductions, conclusions et transitions seront COMMUNES.



Proposition de plan pour la trace écrite


  1. Le mythe d'une France unanimement résistante, le résistancialisme, s'élabore à la Libération et domine jusqu'à la fin du gaullisme sur fond de concurrences et de luttes politiques entre le forces politiques dominantes de la période  (1944-1969)


  1. l'élaboration du mythe résistancialiste s'installe sur fond de division, il s'accompagne de deux lois d'amnisties puis favorise une amnésie officielle et collective au détriment des victimes et des vaincus afin de maintenir l'unité de la nation (1944-1953)


  1. 1) l'élaboration gaulliste du mythe résistancialiste face à "Vichy, un régime nul et non avenu" (C.De Gaulle) a pour but de préserver l'unité de la nation et d'éviter tout déchirement après une épuration plus symbolique qu'effective qui se matérialise par deux lois d'amnistie en 1951 et 1953
  2. 2) le résistancialisme entraîne donc une amnésie officielle qui devient collective négligeant d'entendre et de reconnaître les victimes (déportés, STO, juifs et tziganes), les vaincus de 1940 et les responsabilités des uns et des autre. Pour autant, il n'y a pas de "Grand Silence" (R.Azouvi) non plus.
  3. 3) Se développe alors "l'idée du glaive et du bouclier" pour intégrer Vichy et Pétain dans le cadre de la Résistance sous la plume de Robert Aron (Histoire de Vichy, 1954)


B) Le mythe résistancialiste entraîne le refoulement des autres mémoires de la Seconde Guerre mondiale et s'avère sur fond de Guerre froide, l'objet d'une concurrence entre Communistes et Gaullistes (1953-1958)


      1. les autres mémoires de la Seconde Guerre mondiale sont donc refoulées au détriment de leur prise en compte même si elles ne disparaissent pas dans un "grand silence"(François Azouvi)
      2. Toute remise en cause est censurée comme avec Nuit et brouillard en 1955, commande censurée et empêchée de concourir pour la France au Festival International du film de Cannes (Focus pages 100-101)
      3. ...tandis que sur fond de Guerre froide, gaullistes et communistes s'affrontent pour incarner le primat de leur action dans la Résistance, les uns insistent sur leur importance dans la Libération négligeant le rôle des Alliés obtenant ainsi une légitimité évidente, les autres recherchent pour leur part l'oubli de leur approbation du pacte germano-soviétique en 1939 et visent un avantage politique qui aboutira notamment sur fond de germanophobie à l'échec de la CED (Communauté Européenne de Défense)


C) Le retour au pouvoir du Général de Gaulle en 1958 et l'affirmation de la Vème République dans les années 1960 voient l'apogée de la mémoire officielle gaulliste et le début de sa progressive remise en cause avec l'affirmation de la mémoire juive de la Shoah en liaison avec le procès Eichmann de 1961


      1. Le résistancialisme est à son apogée sous les mandats du Général de Gaulle au profit de l'unité du pays et avec pour ambition de conserver le soutien des électeurs et relais du pouvoir.
      2. il se traduit par une multiplication de commémorations, célébrations, création de lieux de mémoires comme le Mont Valérien ou celles de musées : il impose une mémoire officielle des plus sélectives. 
      3. Les années 1960 voient la remise en cause du gaullisme et du résistancialisme sous l'effet du procès Eichmann en 1961 et de la guerre des Six jours qui renvoie le jeune État d'Israël au risque de sa disparition à la suite d'un premier monument en France qui entraînera la création de Yad Vashem: l'apparition de groupes mémoriels spécifiques s'impose en opposition avec la mémoire officielle


Transition:


II) "le miroir résistancialiste se brise" et le mythe d'une France unanimement résistante s'effondre  avec la prise de conscience de la collaboration par l'opinion publique sous l'effet du travail des historiens, du cinéma et d'une politique mémorielle mise à mal par les successeurs du Général de Gaulle  (1969-1990)


    1. Un autre regard est porté sur Vichy ce qui renouvelle les représentations de la Seconde Guerre mondiale : c'est l'apparition du "syndrome de Vichy" pour ce "passé qui ne passe plus" (Henry Rousso)
      1. les historiens renouvellent le regard sur le régime de Vichy et l'Occupation: en 1969 et Robert Paxton en 1973.
      2. Le cinéma contribue à renouveler le regard et les représentations de la Seconde Guerre monde et de ses mémoires au travers des œuvres de Marcel Ophüls (La Chagrin et la pitié, 1971) et de Louis Malle (Lucien Lacombe, 1974).
      3. Les politiques mémorielles des successeurs du Général de Gaulle et l'affirmation d'une génération nouvelle, celle du baby-boom imprégnée de l'esprit de 1968, née après guerre et moins sensibles au PCF et au gaullisme, entraînent une remise en cause politique du résistancialisme.
    2. Face au négationnisme, la mémoire de la Shoah s'affirme puis devient dominante tandis que s'impose au détriment du devoir d'histoire et du devoir du souvenir, un devoir de mémoire
      1. La montée du révisionnisme et du négationnisme face au génocide juif appelle une mémoire juive militante et active qui s'affirmera notamment à la télévision avec Holocaust en 1979 et au cinéma avec Shoah de Claude Lanzmann en 1985, contribuant à nommer autrement le génocide juif et à renouveler sa lecture en l'imposant médiatiquement comme la mémoire dominante avec l'appui des historiens Raul Hilberg (la destruction des juifs d'Europe, 1985) et Georges Weller (Les chambres à gaz ont existé, 1981).
      2. L'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité depuis 1964 et l'action de Serge Klarsfeld et de sa femme (1978,  association Fils et filles des déportés juifs de France, association militante de la mémoire) pour faire juger les criminels de guerre nazis (inculpation de Maurice Papon pour crimes contre l'humanité en 1983 et procés en 1997, inculpation de René Bousquet en 1991, procès de Paul Touvier en 1992 et procès de Klaus Barbie en 1987) associée à la publication du Mémorial de la déportation des juifs de France en 1978.
      3. Progressivement, le devoir de mémoire s'impose et révèle la prédominance de la figure du témoin et de la victime sur celui du héros et du résistant (l'ère du témoin d'Annette Wievorka).
    3. La fin du résistancialisme trouble et modifie les représentations de la Résistance tandis que l'Etat français et ses dirigeants refusent d'assumer les responsabilités liée à l'Occupation et aux actes du régime de Vichy, tout en reconnaissant par la loi la Shoah et punissant sa négation
       
      1. La figure de la Résistance n'est plus la figure dominante et évolue devant l'affirmation de la mémoire juive, mémoire devenue dominante.
      2. l'Etat sanctionne par la loi l'expression du négationnisme avec la loi mémorielle : la loi Gayssot de 1990
      3. Malgré la pression médiatique, l'affirmation mémorielle dominante de la Shoah et les demandes des groupes concernés, l'Etat français et François Mitterrand, embarrassé par son passé de vichycho-résistants (D.Peschanski), refusent de reconnaître la continuité politique de Vichy sur fond de scandales (fleurissement de la tombe de Pétain entre 1984 et 1992, proximité avec Touvier, décoration sous Vichy de l'ordre de la francisque par Pétain)


Transition:


III) Les mémoires de la Seconde Guerre mondiale suite à la reconnaissance par l'Etat français de ses responsabilités tout en recherchant le consensus, se fragmentent en se démultipliant et se politisent non sans poser à terme problème à l'historien (des années 1990 jusqu'aux années 2010)


  1. Sous la pression de l'opinion internationale et des procédures judiciaires à l'étranger, la reconnaissance des responsabilités de l'Etat français sous le régime de Vichy invite au consensus, à l'apaisement mémorielle et a la poursuite des réparations à tous niveaux en modifiant notamment le sens des commémorations 
    1. L'Etat francais reconnait sa responsabilité sous la présidence de Jacques Chirac en 1995 dans la foulée de la loi Gayssot, c'est une rupture politique par rapport à la politique gaullienne qui ne reconnaissait pas de légitimité et de continuité entre Vichy et la République
    2. Cela se traduit par l'indemnisation des victimes de spoliation et les enfants de déportés dès 1999, la création de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah en 2001 et la création d'un lieu de mémoire spécifique, le Mémorial de la Shoah à Paris en 2005
    3. Une nouvelle catégorie mémorielle apparaît alors, celle des Justes, reconfigurant celle des héros de la Résistance dans la lignée de celle créée par Yad Vashem et présentée dans le discours de Jacques Chirac tandis que les commémorations de la Libération s'orientent dès 2004 vers la réconciliation franco-allemande et l'unité européenne  (première invitation du chancelier allemand aux commémorations du cinquantenaire du débarquement en 2004, poursuivie jusqu'à aujourd'hui avec l'hommage aux victimes d'Oradour sur Glane, discours et réconciliation en 2013 sous Hollande) . Les deux États sont ceux qui ont fait le plus pour reconnaître leurs responsabilités et regarder en face leurs devoirs de mémoires. La perspective d'un apaisement mémoriel est envisagée et l'envie d'un consensus va de paire. Emmanuel Macron a notamment nommé dès son entrée à l'Elysée, un Monsieur Mémoire chargé de pacifier et d'organiser les questions mémorielles.
  2. Cependant, les mémoires de la Seconde Guerre mondiale se fragmentent à mesure que s'affirme la pluralité de ses acteurs, leur concurrence et le constat de la difficulté à toutes les reconnaître
    1. Les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en se multipliant fragmentent les représentations de la Seconde Guerre mondiale et empêchent une lecture apaisée et consensuelle du conflit.
    2. Elles sont en effet concurrentielles et se confrontent les unes aux autres en faisant apparaître de nouvelles figures comme celles des Justes et des malgré-nous, ou en faisant évoluer leurs statuts mémoriels. 
    3. De surcroît, elles ne prennent pas en compte tous les acteurs et omettent les mémoires de certains acteurs moins influents politiquement.
  3. Ainsi fragmentées et concurrentielles dans l'espace publique, elles entraînent une politisation qui n'est pas sans impact sur le travail de l'historien et  son champ d'action
    1. la récupération politique des mémoires, le refus de la repentance et la réaffirmation de la figure renouvelée de la Résistance s'imposent sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, en rupture avec le mandat de Jacques Chirac. François Hollande poursuivra dans la même voie. Emmanuel Macron y prend aussi part en s'emparant de la question et en inscrivant son action, dans cette logique (nomination d'un Mr Mémoire, discours d'Oradour Sur Glane en août 2017)
    2. La reconnaissance politique des mémoires de la Seconde Guerre mondiale et d'autres mémoires spécifiques sous l'action de divers groupes mémoriels a eu un impact législatif: les lois mémorielles se multiplient, elles commémorent, reconnaissent, ouvrent à réparation. Le devoir de mémoire s'impose.
    3. Or, ces dernières encadrent le travail de l'historien au risque de le limiter et d'empêcher que les représentations de la Seconde Guerre mondiale et l'étude de leurs mémoires dans toutes les complexités n'évoluent à terme. Le devoir de mémoire s'oppose au devoir d'histoire. Il faut dès lors pour l'historien et la société, privilégier le devoir d'histoire à celui de la mémoire au risque de voir appraître de nouvelles revendications mémorielles et d'une montée de leur récupération.