Mardi 27 novembre - Histoire - Le projet européen depuis 1948

Séance 4 - Le projet d’une Europe politique après l’intégration économique : un projet en cours et qui reste en chantier / un vaste « work in progress » (1957-1989)

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Séance 4 - Le projet d’une Europe politique après l’intégration économique : un projet en cours et qui reste en chantier / un vaste « work in progress » (1957-1989)

Cours en autonomie

La classe est divisée en groupes, subdivisés en deux.
  • La première partie des groupes travaille au sujet de composition suivant : La gouvernance européenne de 1957 à 1989 en proposant  une définition des bornes du sujet, une problématique, un plan détaillé et développé avec une idée clairement rédigée par sous-partie. Introduction et conclusion souhaitables.

  • La seconde partie des groupes travaille à la manière d'un ECD sur le corpus suivant : 1, 2 3 et 5 pages  360-361 pour répondre au sujet suivant : Dans quelle mesure l'euroscepticisme remet-il en cause le projet européen (I) jusqu'à le menacer (II) ?  N'oubliez pas un III) rassemblant les limites internes et externes du corpus.
Cours dialogué: reprise et passage à l'oral
Cours magistral

A) Le projet contesté et délicat d’une Europe politique

1) Des projets concurrents et des adversaires potentiels

Le projet de la CEE et son avancée politique ne sont pas les seuls à émerger en Europe. Sur le plan économique et politique, on compte une dizaine d’organisations régionales européennes agissant en Europe et concernant au moins l’un des Etats de la CEE (UOE, Euratom, OTAN…). A cela s’ajoute des concurrents potentiels comme l’AELE (Association Européenne de Libre Echange) mise en place par le Royaume Uni pour concurrencer le Marché commun et la CEE en 1960.

2) Un projet européen qui reste difficile à organiser et à définir


Le projet européen repose sur l’axe franco-allemand depuis la CECA. Il tire sa force mais aussi sa légitimité de leur rapprochement. Mais il n’en résout pas tous les problèmes. Ainsi, les tensions entre unionistes et fédéralistes perdurent.


Etude d'un cas: L’Europe gaullienne : Le rôle de la France dans l’avancement de l'intégration européenne et ses blocages

Contexte historique de la Vème République gaullienne:
  • Guerre Froide
  • Décolonisation (Guerre d'Algérie) et construction d'un nouveau régime républicain dans le prolongement des idées du discours de Bayeux
  • Politique de puissance gaullienne (indépendance par rapport à la diplomatie américaine, retrait de l'OTAN en 1966)
  • Affrontement et tensions avec E-Unis
  • Refus absolu de céder toutes formes de compétences supplémentaires à la CEE

La question de l'Europe politique (pas de mutualisation de souveraineté ni institution communautaire) fait l'objet d'un accord entre les membres de la CEE même si tous ne partagent pas le même point de vue. Face à la France, favorable à une simple coopération intergouvernementale pour l'Europe, les cinq autres pays membres de la CEE sont favorables  à l'octroi de compétences de type politiques à l'Europe communautaire sur un modèle résolument fédéraliste. Malgré ce désaccord, approfondir la dimension politique de la CEE est acté. Il est donc décidé par les chefs d'État ou de gouvernement des Six d'instituer une commission intergouvernementale chargée d'étudier les problèmes concernant la coopération politique européenne, lors du Sommet européen de Paris (10 et 11 février 1961).

L'objectif fut réitéré lors du Sommet européen de Bonn, en juillet 1961. La déclaration de Bonn précise que ce projet devait donner « forme à la volonté d'Union politique, déjà implicite dans les traités qui ont institué les Communautés européennes ».

Les Français présentent alors le premier plan Fouchet. Présenté le 2 novembre 1961 il est retouché face aux réticences des membres de la Communauté Européenne,avant d'être présenté en janvier 1962.

Il restera finalement lettre morte devant le refus des Européens de céder sur trois points:
- une référence explicite à l'OTAN, rejetée par la France tout à son volonté gaullienne d'indépendance
- une réforme institutionnelle qui correspond à la volonté du Général de Gaulle de maintenir le principe des Etats
- une entrée de la Grande Bretagne dans la CEE que les Français rejettent

« Si vous ne voulez pas l’intégration, alors il faut la Grande-Bretagne et si vous ne voulez pas de la Grande-Bretagne, alors il faut l’intégration. Il nous faut l’un ou l’autre. Nous ne pouvons pas nous trouver sans l’intégration, ni sans la Grande-Bretagne »
Henri Spaak

Le Traité de l'Élysée lui succéde. Il reprend les principales dispositions de ce dernier mais en les limitant à deux pays, l'Allemagne et la France. C'est un traité bilatéral entre la République fédérale d'Allemagne et la République française signé au Palais de l'Élysée le 22 janvier 1963 par le Chancelier allemand Konrad Adenauer et le Président français Charles de Gaulle. Il traite des relations internationales, de la défense et de l’éducation communes aux deux Etats.


Le « Plan Fouchet » (1961-1962) voulu par De Gaulle pour approndir la construction politique européenne:
- Celui d’une confédération européenne étendue dans les domaines politiques, économique, culturel et militaire – Projet qui va vouloir aborder toutes les dimensions
- Avec Volonté de préserver l’Etat nation et refuser toute dimension supranationale
- Avec comme institutions : conseils des chefs d’Etat et de gouvernement prenant des décisions à l’unanimité avec là aussi une assemblée consultative

Mais les partenaires la rejettent tandis que De Gaulle s’oppose à toute idée d’une Europe supranationale où les pouvoirs des gouvernements seraient limités par l’Europe.

3) Quels sont les blocages rencontrés pour expliquer l'absence d'avancée dans la construction politique de la CEE sous la présidence de Gaulle?


Premier blocage:
Le refus par la France gaullienne de l’Etat fédéral voulu par Walter Hallstein, Président de la Commission de la CEE, qui propose une réponse au Plan Fouchet.

Deuxième blocage:
La Réaction française: pendant 6 mois à partir de juin 1965, retrait de la France des organisations de Bruxelles « politique de la chaise vide » = révélateur des divisions toujours existantes entre unionistes et fédéralistes, et donc des difficultés pour orienter l’Europe.

Dans le même esprit, De Gaulle oppose deux vétos (1963 et 1967) à l’adhésion et l’entrée de la GB pour trois raisons: alliance stratégique et privilégiée entre E-U et GB; association avec Commonwealth et refus de la conception britannique de l’Europe libre-échangiste et strictement économique.

B) Approfondir et élargir après De Gaulle : quelle Europe se construit jusqu’à la chute du mur de Berlin et les débuts de la chute du communisme en 1989 ?


1) Comment faire avancer la gouvernance de l’Europe après De Gaulle ? En se dotant de nouveaux outils de gouvernance pour faire face aux défis

Après les réussites de la PAC (politique agricole commune) de 1962 qui sécurise l’alimentation européenne et son agriculture pour en faire une des plus exportatrices et productives du monde, la fusion des exécutifs (CEE, Euratom, CECA) en 1965 et l’achèvement de l’union douanière en 1968, l’Europe avance.

La politique agricole commune : retour sur la PAC


La PAC en Europe jusqu'en 2008


La nouvelle PAC aujourd'hui

Mais, l’unité européenne suite au blocage français puis britannique des années 1970-80 va se poursuivre lentement. Le primat économique est évident. Une orientation que les changements de gouvernements en Europe et les données géopolitique et économique vont changer.

La gouvernance politique de l'Europe et son évolution: se rencontrer pour gouverner ensemble, une avancée politique pour l'Europe

Gouverner l'Europe, c'est se rencontrer fréquemment et régulièrement.

Décembre 1969 – Le sommet de la Haye relance le projet européen en réunissant l’ensemble des dirigeants européens, la première depuis 1962.

A partir de 1974, elles deviennent régulières : le Conseil Européen tandis que la CEE se dote d’un budget autonome.

Gouverner l'Europe, c'est choisir et élire des représentants au sein d'institutions représentatives de l'Europe : exercer le suffrage démocratique pour donner à l'Europe, une légitimité

Elire et choisir ses représentants, c'est donner une légitimité à l'Europe politique et inclure les citoyens européens.

1979, première élection du Parlement européen au suffrage universel direct mais les pouvoirs de l’Assemblée restent limitées. Simone Veil sera sa première présidente.

Gouverner l'Europe, c'est aussi se doter des outils de gouvernance économique communs dans le domaine économique et financier

1979 - Mise en place du SME (système monétaire européen) qui vise à stabiliser le cours des monnaies dans le cadre de la sortie de Bretton Woods et de la crise économique des années 1970. Il est fondé sur une monnaie de compte, l’ECU (European Currency Unit) et sur un mécanisme de change.

2) Élargir l’Europe, c'est un défi : il faut intégrer des Etats différents, moins europhiles, moins développés, plus pauvres et sortis de dictatures


Le volet politique, géopolitique et diplomatique change: élargir l'Europe, c'est considérer la géopolitique européenne et y réfléchir

Une politique d’élargissement progressif et d’ouverture au nord avec les anglo-saxons dans les années 1970 puis au sud dans les années 1980 dans une perspective démocratique et géopolitique en vue de dynamiser l’Europe et son pourtour, notamment autour des six fondateurs:
1973 – GB, Irlande et Danemark
1981 – Grèce
1986 – Espagne et Portugal

3) Approfondir l’Europe et accroître son intégration : le nouveau défi européen


Approfondir la gouvernance en Europe, c'est se doter d'outils nouveaux et communs:

l’Acte Unique Européen (AUE), un acte d’approfondissement porté par jacques Delors et encouragé par le tandem franco-allemand Kohl-Mitterrand.

Le 17 février 1986, neuf Etats membres ont procédé à la signature de l'Acte unique européen (AUE), suivis par le Danemark (suite au résultat positif d’un référendum), l'Italie et la Grèce le 28 février 1986. Ratifié par les Etats membres au cours de l’année 1986, l'AUE est entré en vigueur le 1er juillet 1987. L'Acte unique s'interprète comme un prolongement du traité de Rome de 1957 instituant la Communauté économique européenne.

Il permet la transformation, le 1er janvier 1993, du Marché commun issu du traité de Rome en un marché unique sans frontières intérieures. Il ouvre la voie à l'Union Européenne qui prendra forme avec le traité de Maastricht.

L'Acte unique européen est important, d'une part parce qu'il amende plusieurs dispositions du Traité de Rome et d'autre part, parce qu'il introduit une nouvelle forme de coopération en matière de politique étrangère.
  • Adoption le 17 février 1986
  • Renforcement des institutions européennes et approfondissement de leurs compétences, de leurs périmètres d’intervention et de leur gouvernance : elles vont pouvoir faire plus de choses, avoir plus de responsabilités dans plus de domaine.
  • Accélération pour former le Marché intérieur en vue de son ouverture en 1992 : L'Acte unique européen a pour objectif de mener à terme la réalisation du marché intérieur, "espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée" (article 7 a), avant la fin de l’année 1992. Il permet de tenir les promesses énoncées et en même temps, se fixe un objectif dans le temps.

Pour atteindre cet objectif déjà fixé par le traité de Rome en 1957, le Conseil des ministres de l'Union européenne décide désormais à la majorité qualifiée dans les domaines stratégiques pour l'achèvement du marché intérieur : tarif douanier extérieur ; libre prestation de services ; libre circulation des capitaux ; transports maritimes et aériens ; harmonisation des législations.

  • Coopération politique renforcée
l'AUE sert à approfonduir, accélérer et accroître l'intégration européenne.
a) L'élargissement et la réforme des compétences communautaires avec l’AUE (Acte Unique Européen)

En signant l'Acte unique européen, les Etats membres de l'Union européenne délèguent une partie de leur pouvoir de décision aux institutions européennes dans de nouveaux domaines :
  • la compétence communautaire est élargie au domaine de la recherche et du développement technologique, de l'environnement et de la politique sociale ;
  • le traité codifie la coopération en matière de politique économique et monétaire et prévoit les réformes institutionnelles qui conduiront au traité de Maastricht instituant l'Union monétaire ;
  • pour répondre à l'objectif de cohésion économique et sociale, le traité décide que les Fonds structurels, qui appuient financièrement le développement des régions et des actions en faveur des publics en difficulté (Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - FEOGA, Fonds européen de développement régional - FEDER, Fonds social européen - FSE), doivent être réformés ;
  • la réglementation concernant la santé et la sécurité des travailleurs est désormais décidée à la majorité qualifiée.

b) Une réforme institutionnelle nécessaire pour accompagner l'élargissement: ce sont les prémisses d’un projet politique et diplomatique européen plus large

- Extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil
Le recours plus fréquent au vote à la majorité qualifiée rend l'adoption des décisions du Conseil de l'Union européenne plus facile. L'unanimité n'est plus requise en matière de marché intérieur. Dans les autres secteurs, les décisions initiales ou de principe sont prises à l'unanimité et les décisions d'application le sont à la majorité qualifiée.

- Modalité de vote au Conseil : la majorité qualifiée
Le "niveau" de la majorité qualifiée lors d'un vote au Conseil se calcule en fonction du nombre de voix attribué à chaque Etat membre. Depuis janvier 2007, 255 voix sur 345 sont nécessaires pour faire adopter un texte à la majorité qualifiée.

- Renforcement des pouvoirs du Parlement européen
Ses compétences sont élargies. D'une part, l'avis conforme du Parlement européen est nécessaire avant l'adoption des accords d'élargissement de la Communauté et des accords d'association avec les pays tiers.
D'autre part, la nouvelle procédure dite de "coopération" confère un pouvoir accru au Parlement tout en renforçant le rôle d'arbitre de la Commission européenne et en maintenant le pouvoir de décision final au Conseil de l'UE. Elle concerne le marché intérieur, la politique sociale, la cohésion économique et sociale, la recherche et le développement technologique.

- Renforcement de la coopération politique européenne
Les Etats membres s'engagent à poursuivre une politique étrangère commune : chaque Etat doit prendre en compte les positions de ses partenaires ainsi que l'intérêt européen commun avant d'arrêter sa propre politique. Une politique commune devra émerger progressivement par la définition de principes et d'objectifs.
Il est envisagé d'étendre ensuite la coopération entre Etats membres au domaine de la sécurité, notamment dans ses aspects politiques, économiques et technologiques, sans qu'il soit porté atteinte à l'Union de l'Europe occidentale (UEO) ou à l'Alliance atlantique (OTAN).
La coopération politique est présidée par l'Etat qui exerce la présidence de l'Union européenne. Celle-ci veille, avec la Commission européenne, à la cohérence de la politique extérieure. Elle prend des initiatives de coordination et représente l'ensemble des Etats membres.

14 juin 1985 : signature de l’accord de Schengen, qui permet la liberté de circulation comme approfondissement de l'Europe
Le marché commun européen a progressivement mis fin aux contrôles des marchandises aux frontières des pays membres. Mais pour les personnes, les contrôles douaniers demeurent. Au début des années 80, les pays du Benelux, où les déplacements sont déjà libres, proposent à la France et à l’Allemagne de mettre en place graduellement un espace de libre circulation des personnes. L’accord entre les cinq pays est conclu le 14 juin 1985 dans la petite ville luxembourgeoise de Schengen. Il sera par la suite intégré aux traités communautaires et étendu aux autres Etats membres.





14 juin 1985 : présentation du Livre blanc de Jacques Delors
Tout juste nommé président de la Commission européenne, Jacques Delors présente aux dirigeants des Etats membres 310 mesures destinées à achever le marché unique. En effet, malgré l’ouverture des frontières, de nombreux obstacles administratifs et réglementaires empêchent encore une totale liberté de circulation des marchandises. Delors est convaincu que la disparition des dernières barrières aux échanges relancera la croissance économique en Europe. Il se fixe jusqu’au 31 décembre 1992 pour y parvenir. La Communauté vivra désormais au rythme de "l’objectif 92".

La conception communautaire l’emporte avec l’Acte Unique Européen que Jacques Delors arrive à imposer. La nature du projet qu’il dessine poursuit les idées du Traité de Rome, rejoint les ambitions initiales du projet européen et sera concrétisé par le Traité de Maastricht qui en 1992 fait naître l’UE (Union Européenne) et annonce sa monnaie commune, l’euro.

4) Le début de l’euroscepticisme et le ralentissement de la construction européenne sous l’influence britannique et sous l’effet du ralentissement économique


Etude de cas:  l’euroscepticisme (360-361)

L’euroscepticisme en Europe

L'euroscepticisme en questions

Traduction politique de l’euroscepticisme
Apparition de partis eurosceptiques avec des personnalités qui assument leur euroscepticisme ou leur opposition franche à l’Europe et à son projet
Traduction dans les urnes et dans la pratique courante de la politique européenne par des situations de blocage
Désaffection des électeurs et des peuples pour l’idée européenne, notamment en période de crise + abstentions

Raisons et critiques eurosceptiques :  
Euroscepticisme = déception face au projet européen, à ses orientations et à ses réussites / insuffisance dans l’intégration / incompréhension de ses missions / Gouvernance désincarnée et coupée du peuple / minoration du rôle des élus et des élections démocratiques nationales / déchéance et déclin de l’Etat-nation / question de préservation de l’identité nationale et de sa défense / refus de la dimension supranationale

Menace sur la construction et l'approfondissement du projet européen.

5) 1989, l’Europe de l’est se révolte et le bloc communiste commence à s’effondrer: Entre la chute du mur en 1989, la réunification allemande en 1990 et la dissolution de l’URSS en 1991, la donne géopolitique change en Europe.


Le projet européen, son modèle et les raisons de sa construction sont interrogés avec la disparition du bloc communiste, d’autant que s’ouvre une perspective historique unique: intégrer les nouveaux Etats indépendants au sein de la CEE pour éviter toute rechute.

La CEE devient un objectif pour les Etats nouvellement indépendants.

L’ouverture et l’élargissement à l’Est, une priorité stratégique et géopolitique pour la CEE.

TRANSITIONS: Trois questions se posent dès lors en 1989:

  • la gouvernance de cette Europe
  • les modalités d’adhésions
  • l’orientation du modèle retenu pour l'Europe après 1989.